5 juin 2016

Immersion paysanne


Nous partons de la cavallerizza, située au centre de la ville de Turin, avec appréhension car nous savons que la sortie des grandes villes est difficile en stop. Les différents axes qui traversent et contournent les villes empêchent de trouver un bon spot. À vingt minutes du centre en tram, nous tendons notre pouce pendant une heure, mais personne ne s’arrête. Nous décidons de prendre le bus pour essayer un peu plus loin. Toujours personne. On se réfère alors au site hitchwiki.org qui indique les bons spots pour faire du stop à travers le monde avec des conseils pratiques. Nous nous dirigeons donc vers une entrée d'autoroute après avoir traversés un champs de blé et la zone de péage à pied (Dangereux mais bon !). David le grenoblois viens nous sauver de l'attente, alléluia ! De retour d'une mission de travail, il nous embarque jusqu’en France, à Grenoble, et nous propose de passer la nuit chez lui. Une bonne nuitée accompagnée d'un chat fou qui sait ouvrir les portes. Nous partons le lendemain, David nous ravitaille gracieusement avec des noix (et une technique pour ouvrir sans casse noix mais en se cassant les mains), des pommes et des chèques déjeuners acceptés après une bonne réflexion ! Ces derniers ne servent que pour de la nourriture hors alcool, grâce à ce don nous pourrons refaire nos stocks de fruits secs difficiles à récupérer.

Une petite graine pour David !

Une monitrice d'auto-école nous emmène jusqu’à 10 kilomètres d’Aubenas, en Ardèche ! Nous descendons tranquillement mais sûrement vers le Sud et le soleil. Après une collation dans un petit village en pierre typique du coin, nous repartons sur la route et Dina nous prend en stop avant même qu'on ait le temps de lever le pouce. Après lui avoir expliqué notre projet, elle nous propose gentiment de venir passer deux-trois jours à la montagne pour découvrir sa manière de vivre peu commune.

 Pressée, elle nous emmène avec elle dans un magasin chercher des cadres de ruches avant qu'il ferme ses portes. Notre tranquillité et nos «on a le temps » ont bien réussis à la détendre. Dina est une parisienne qui a émigré dans la région pour se reconvertir dans l'apiculture. Elle travaille la semaine en ‘ville’ dans un collège et un centre de réinsertion. Le week-end elle remonte chez elle, dans sa communauté de paysans. La petite communauté à l'habitude d’héberger des Wwoofeurs (le Wwoofing est un concept d’échange de service dans les fermes. Des Wwoofeurs sont accueillis par des fermiers chez qui ils travaillent 3-4 heures par jour en échange du gîte et du couvert, partout dans le monde !) et nous accueillent à bras ouverts mais non pas sans effort. Pour rejoindre le hameau, il faut grimper en haut de la montagne soit 1 heure et demie de marche et 400 mètres de dénivelé dans un paysage magnifique. Avec nos gros sacs sur les épaules, la montée fut difficile mais arrivés au sommet l'horizon nous offre une vue imprenable sur la vallée et sur un cratère de volcan !

Une petite heure et demi de marche en montagne 

La vue depuis le domaine de Chambis


Nous arrivons au domaine de Chambis, un petit paradis perdu dans les Monts d’Ardèche. Le hameau est composé d'une vieille ferme en pierre où vivent Seb et Cindy, de la petite maison en bois fait main avec de la récup de Dina et d'une yourte pour abriter les visiteurs comme Sylvain, notre colocataire adepte au Wwoofing, en vadrouille à pied après avoir perdu son permis. Il y a aussi une cacabane toute penchée sur le terrain ( les toilettes sèches). Nous nous installons dans la yourte pour le week-end ! Première fois pour nous deux et belle expérience.

Notre yourte pour le week-end


Seb habitait la banlieue parisienne et a fui la ville pour venir faire pousser des légumes ici. La communauté est auto-suffisante en fruits et légumes pour l’année (il y a même un surplus !). Ils ont eu du mal avec la terre rocailleuse Ardéchoise mais après quelques années de taille et des kilos de humus, les fougères ont diminué et leurs terrasses sont devenues fertiles. Cindy s'occupe principalement des chèvres dont elle tire le lait pour produire des fromages (excellents !!). Dina produit son miel issu de ses 20 ruches, qu'elle vend pour la plupart aux habitants des villages environnants. Elle a plus de demande que d'offre et ça se comprend, son miel est juste super bon.





Du côté des animaux, on compte une vingtaine de chèvres, un bouc, un âne, des canards, des poules, des coqs, des chiens et des chats, des abeilles et des mouches… non domestiqués ! Tout ce petit monde se promène sur les 40 hectares que composent le terrain. Ici, le travail se fait à la main. La difficulté d’accès limite l'approvisionnement et les isole du reste de la société. Il y a beaucoup à faire : travailler la terre, faire des boutures sous serre, arroser, désherber, préparer la prairie, faire les foins, réparer les barrières abîmées par les sangliers, s'occuper des bêtes, traire et faire le fromage, s'occuper des ruches, faire à manger… La vie est fatigante mais c'est un choix de vie qui épanouie les trois trentenaires. Le retour à la nature, c'est la simplicité volontaire mise en application (cf Pierre Rabhi et Serge Mongeau) !


Iris l'apicultrice

La journée nous apprenons l'apiculture, nous cuisinons et désherbons. Le soir, nous préparons de bons dîners pour toute la petite ‘famille’. La soirée est ponctuée de belles discussions sur la société et sur la vie. Seb est étonnamment bien informé sur l’actualité et possède une belle bibliothèque. Sylvain baroude en France depuis quelques années, de Wwoofing en randonnées en passant par les road trip en stop. Il nous partage ses expériences de voyage et toutes les aventures vécues au fil de la route.
Nous nous essayons à la traite de chèvre (sans rire, c'est franchement pas évident) d’où  l'on a tiré certainement un demi-litre à deux, là où Seb en tire quelques litres. Nous nous délectons le soir d'un plateau de fromages à différents affinages. Plus tard, nous dormons dans la yourte, bercés par les chants des oiseaux et la musique de la pluie sur la toile.

Sylvain, Seb et Cindy

Nous repartons enfin le lundi matin en direction d’Aubenas. Perdu dans un petit village, un automobiliste nous indique un endroit sympa pour mettre la tente (mais chut, il faut se cacher) au bord d'une rivière. La petite plage est propice à un bon feu de bois ! Un voisin nous apporte des saucisses et nous passons la soirée sur la plage de sable et de galets.


C'est repartis comme toujours ! Journée route, aujourd’hui on avance. Enfin, c'est ce que l'on croyait. Petite visite d'Aubenas, récupération de fruits et légumes. Puis on repart en stop et on se fait prendre par Amandine et Max. La mobylette dans le coffre, on se débrouille pour tout embarquer, ils nous emmènent avec eux et nous propose de dormir à la maison et de faire des lessives (Yes !). On accepte sans attendre, attiré par leurs histoires d'anciens nomades. Nous nous retrouvons ainsi dans un petit village ardéchois du nom de Chassiers. Le grenier d'une petite maison de pierre nous sert de demeure.

Amandine est la petite maman. Elle aime cuisiner, s'occuper des autres, faire les brocantes et travailler. De nature très énergique, cette ancienne routarde a vécu dans des squats en Suisse et en France pendant près de 10 ans. Elle est arrivée par hasard dans un festival en Ardèche et est tombée amoureuse de Sylvain. Sylvain est un jeune maraîcher. Il cultive toutes sortes de fruits et de légumes de manière biologique. Ardéchois de sang (beaucoup le sont de cœur), il n'est pas du genre vadrouilleur. Max est un ancien nomade et pote du couple. Il s'est sédentarisé il y a quelques mois dans le coin en quête de petits boulots pour repasser son permis. En attendant, il se déplace en mobylette et emmène Thibaut faire un tour du coin ! Une ballade sous des airs de vieille France.



Il est vrai que la région est magnifique et sauvage. Elle est peuplée d'anciens hippies qui ont déménagé dans le coin dans les années 60-70. Une bonne partie se sont lancés dans les chèvres et se sont retrouvés sur la paille, faute de connaissances et de compétences. Risés par les agriculteurs du coin comme des Parisiens fumeurs d'herbe, ils se sont reclus dans des hameaux et ont menés leur vie en marge de la société. Il en ressort tout de même un contact humain et une ouverture d'esprit rares. Un esprit de village mais accueillant ! Beaucoup sont tombés amoureux du coin et n'en sont jamais partis. On trouve une concentration importante de dreadeux et de voyageurs. Amandine était en plein casting de figurants pour participer au prochain film de Ramzy (d'Eric et Ramzy) sur les Communautés, il devrait mettre en image la vie communautaire hippie des années 70 (mais chut ce n'est pas encore officiel). Nous rencontrons des voyageurs au bistrot après le marché d’où nous ressortons quasi-bredouilles, la récupération a été faite par des personnes qui subissent la pauvreté; et c'est mieux ainsi. Cassandre passe sa vie sur la route avec son sac à dos bricolé maison, elle avait arrêté de faire du stop durant un moment puis s'est remise à tendre la pouce pour retrouver les rencontres éphémères. Beaucoup de jeunes viennent faire la saison d’été dans les nombreux campings s'occuper des touristes allemands et néerlandais. Nous repartons après 3 jours tranquilles, en direction des gorges de l’Ardèche, une belle route conseillée par Amandine.

Max et Amandine

La route touristique n'est pas facile à traverser. Connue par les kayakistes, il est plus difficile de l'emprunter en voiture. Nous dévions de notre itinéraire initial et passons plus au Nord. Objectif : Carpentras, où une amie d'Iris nous invite à passer le week-end. Une belle après-midi le pouce en l'air. Huits voitures nous rapprochent de notre destination. Nous arrivons pour le souper. Laura nous accueille chez sa mamie, au milieu des vignes vauclusiennes. Nous partons le lendemain matin pour le marché d'un village proche afin de récupérer des fruits et légumes. Sur place, nous déambulons au travers des ruelles typiques et des bâtiments en pierres. Nous tombons sur une artiste peintre qui nous révèle ses œuvres de paysages abstraits. Puis nous parcourons le marché pour goûter aux produits locaux. Les dégustations sont gratuites et les commerçants sont souvent contents de nous expliquer leurs produits. Une palette de goûts s'offrent à nous et nous ouvre l’appétit. Nous croisons un stand tenu par une jeune femme avec qui nous discutons (ils organisent dans le coin des projections du film Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, que nous vous conseillons fortement !). De fil en aiguille, nous apprenons qu'avant d’être maraîchère dans la région, elle était étudiante à Lyon, dans le neuvième arrondissement, au campus René Cassin, à l'école 3A !! (Nous étudions tous les deux dans cette école et ce voyage fait office de stage de première année pour ceux qui ne savent pas). Le hasard fait bien les choses, elle nous invite le lendemain à une journée Pizza et à dormir chez elle le soir à Avignon !

En repartant du marché, Nicolas nous prend en stop. Ce jeune diplômé habite la région est en est plutôt fier. Il apprend notre projet et s'empresse de nous inviter à une visite du patrimoine culturel Vauclusien, directionla Fontaine du Vaucluse. Là-bas, nous y rencontrons des artisans locaux (souffleurs de verre, menuisier et l'atelier de recyclage de papier à la main et au moulin). Notre guide nous promène jusqu’à un petit château en hauteur d’où nous pouvons observer la région.



Une chaude et belle journée dans le ‘Sudeuh’ que nous allons parcourir encore pour quelques temps.

L'aventure ne s’arrête pas… à bientôt !

Aventureusement vôtre

Aucun commentaire: